Promouvoir la recherche participative

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La recherche et l’innovation sont aujourd’hui essentiellement pilotées par des intérêts industriels à court terme. Or, la science et les technologies entraînent de profondes transformations sociales, politiques, éthiques et juridiques qui exigent une régulation démocratique. Un fossé s’est creusé entre les citoyens et les scientifiques, lesquels n’inspirent plus la confiance mais la méfiance. Comment pourrait-il en être autrement après les grands désastres sanitaires et environnementaux des dernières années (amiante, PCB, farines animales, catastrophes nucléaires, etc.) ? Retisser les liens entre scientifiques, décideurs politiques et citoyens implique :

  • d’intégrer, très en amont, dans les politiques publiques de recherche les enjeux sociétaux de la science ainsi que les outils de son orientation démocratique ;
  • d’ouvrir aux organisations de la société civile les capacités d’élaboration des connaissances scientifiques et d’expertise. Comment concevoir, par exemple, le développement d’un projet de recherche agricole sans interagir étroitement avec ceux qui ont inventé l’agriculture, et qui ne sont pas les chercheurs ni même les agronomes mais les paysans ?

Cap à prendre

La recherche participative, qui repose sur un partenariat équilibré et une co-construction du savoir entre chercheurs institutionnels et organisations de la société civile ou groupes de citoyens, fait partie intégrante de ce processus de démocratisation de la science. À l’image du programme canadien ARUC (Alliances de recherche universités- communautés), quelques programmes de recherche participative ont vu le jour en France au niveau régional. Il faut les généraliser aux niveaux national et européen.

Une révision du crédit d’impôt recherche (CIR), très inefficace, permettrait largement le financement de tels programmes. Censé favoriser l’emploi scientifique et l’investissement des entreprises dans la recherche, le CIR est en effet une niche fiscale massivement utilisée à d’autres fins par les plus grandes entreprises. Par exemple, le géant pharmaceutique Sanofi a supprimé 2 000 emplois dans son secteur de recherche- développement ces dernières années, alors  qu’il bénéficie depuis 2008 de 125 à 130 millions d’euros par an d’abattements fiscaux au titre du CIR. Une étude de l’association Sciences en marche estime à 6 milliards d’euros le montant du détournement à l’échelle du pays entre 2007 et 2012, soit 40 % du montant du CIR.

Actions immédiates

A – Redéployer la partie du CIR dédiée aux grandes entreprises vers des programmes de recherche participative et vers une expertise transparente et contradictoire des technologies et de leurs produits.

B – Ouvrir la science à la société civile dans le domaine de l’expertise.

La part de plus en plus importante laissée à l’industrie dans les pro- grammes de recherche conduit inévitablement à de graves dérives, et notamment à une carence et une opacité des évaluations sanitaire et environnementale. Le temps que demandent ces évaluations n’est en effet pas compatible avec l’urgence des brevets et des profits, et la protection industrielle justifie l’absence de communication des données brutes sur les risques.

C – Donner à la recherche publique les moyens nécessaires, sans qu’elle ait à faire appel aux fonds privés, avec une participation effective des citoyens dans la définition des priorités.

D – Sur la base des recommandations faites par l’association Sciences citoyennes :

  • intégrer des programmes de recherche participative dans tous les programmes régionaux et nationaux de recherche et d’innovation ;

  • créer et reconnaître des critères d’évaluation pour les chercheurs engagés dans des projets de recherche participative ;

  • soutenir la mobilité professionnelle des chercheurs vers des organisations de la société civile à but non lucratif.

 

Ressources