Démocratie sans corruption

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Constat

La corruption est l’un des cancers les plus violents de la démocratie. À l’origine de ce mal, de simples conflits d’intérêts non déclarés qui détournent l’intérêt général au profit de l’intérêt d’un individu ou d’un groupe. Quand bien même ils ne sont pas pénalisés, ils déstabilisent les institutions démocratiques. Le conflit d’intérêts semble devenu quasi consubstantiel au système. En témoigne l’affaire Aubier : un professeur de médecine se répand dans les médias pour nier les effets de la pollution du die- sel. Interrogé comme expert par le Sénat, il rend le même avis, “oubliant” de préciser ses liens privilégiés avec le constructeur automobile PSA et la compagnie pétrolière Total… De tels cas sont nombreux, y compris dans des enceintes prestigieuses, telles les académies des sciences ou de médecine, ou bien les agences sanitaires.

Plus grave encore : la corruption ou le trafic d’influence, c’est-à-dire le financement d’une autorité chargée de prendre une décision, qui sévit sur les marchés publics truqués par des complicités rémunérées à tous les niveaux, ou dans le cas de l’utilisation de produits dangereux comme l’épandage de pesticides… Bien des malheurs du monde actuel s’expliquent par la corruption.

De manière plus banale, clientélisme, passe- droits, financement illicite des campagnes électorales achèvent de miner les bases du système démocratique et alimentent la détestation croissante des élites.

Cap à prendre

Pour restituer la confiance des citoyens dans les institutions, il est nécessaire de leur redonner du sens et de garantir leur intégrité. Ces nouvelles règles du jeu ne pourront s’imposer que de la base, et non d’un sommet qui n’y a aucun intérêt.

La transparence de la sphère publique, mais aussi de tous les liens que celle-ci entretient avec les grands donneurs d’ordre privés, est le point de départ de telles règles. La répression effective et la pénalisation renforcée des infractions financières sont ensuite indispensables. Au-delà, le système même de prise de décision doit être révisé afin d’assurer la représentation de la société civile à tous les stades, de l’expertise à la décision finale.

C’est donc bien en réalité le système démocratique, mis à mal par la corruption sous toutes ses formes, qui doit se réinventer pour gérer un monde complexe et assurer la primauté des biens communs et des intérêts humains sur les choix des lobbies et les intérêts financiers de quelques-uns.

Actions immédiates

Transparency International a depuis longtemps formulé de nombreuses propositions. La France a mis en place avec la Haute Autorité pour la trans- parence de la vie publique une première réponse à l’opacité qui entourait le patrimoine des élus. La loi dite Sapin II devrait également constituer un progrès. Mais cela reste très insuffisant, et les mesures suivantes doivent être prises :

A  –  Renforcer le régime des incompatibilités pour les élus,

de manière à exclure des liens directs entre élus et entreprises. Encadrer, et dans certains cas interdire, le lobbying : inscription sur un registre, obli- gation pour les parlementaires, ministres et leurs équipes d’officialiser les rendez-vous et les docu- ments remis pour solliciter des amendements ou des textes d’application.

B  –  Créer un véritable statut pour les lanceurs d’alerte

et un système de protection pour leur permettre de continuer à mener une vie personnelle et professionnelle normale.

C  –  Obliger les experts qui se présentent comme “indépendants” à faire preuve de transparence

en explicitant les liens d’intérêts qu’ils peuvent avoir.

D  –  Renforcer les moyens des juridictions financières compétentes sur ces questions.

Les doter d’un arsenal législatif prévoyant des sanctions efficaces adaptées aux différentes formes de corruption. Pénaliser d’une façon ou d’une autre les conflits d’intérêts aux conséquences les plus graves.

Ressources