Oxygéner la démocratie locale

Auteurs

Constat

La décentralisation s’est arrêtée au maire, et rares sont les communes françaises1 qui expérimentent une véritable démocratie locale.

Certes, la loi constitutionnelle du 28 mars 20032, en créant le droit de pétition et en introduisant le référendum décisionnel, a permis que la participation des citoyens au niveau local ne se réduise plus uniquement à l’élection au suffrage universel direct des conseillers municipaux une fois tous les six ans. Mais, dans la pratique, la participation des citoyens dans la vie de leur commune reste faible à ce jour. Même les élus de bonne foi sont enfermés dans des habitudes, considérant que l’élection leur donne la légitimité et la délégation permanente de pouvoir, oubliant parfois d’informer, souvent de consulter, de coconstruire, de codécider avec les citoyens, et leur laissant un trop faible pouvoir d’agir. Le fossé s’est donc creusé entre représentants et représentés. La crise démocratique (abstention, manipulation des peurs, promesses non tenues et non tenables, etc.) est née précisément des limites de la démocratie électorale. Aujourd’hui la légitimité d’une décision ne vient plus de qui la prend mais de comment on la prend.

Or les élus de bonne volonté sont complètement démunis en matière d’ingénierie démocratique : sans formation aux outils de la concertation et de la co-contruction de la décision, ils restent trop souvent dans la peur du débat public.

Cap à prendre

C’est au niveau local qu’il faut reconstruire les prémices d’un nouvel âge démocratique. Une “démocratie de fraternité” doit être réfléchie pour aller au fond des choses, interactive pour relier régulièrement représentants et représentés, et édifiante pour solliciter le meilleur de nous-mêmes. Des états généraux permanents de la démocratie doivent revendiquer l’élévation du débat public, inviter chaque habitant à devenir coproducteur et copropriétaire de l’intérêt général, et encourager la pratique d’une “grammaire démocratique” articulée autour de quatre niveaux d’exigence :

  • l’information, pour la transparence sur les projets envisagés et en cours ;
  • le débat, pour une véritable écoute et concertation ;
  • l’élaboration, pour une co-construction ;
  • l’implication, pour associer au sein de commissions, et dans la codécision.

Le rôle des décideurs, du maire et des élus est donc réinterrogé : avant de décider, ils doivent être à l’écoute des initiatives citoyennes favorisant les processus de décisions.

Ce processus nécessite ouverture à l’expérimentation, simplicité, rigueur, productivité et surtout convivialité. Il devra être accompagné par des personnes formées aux méthodes et aux outils d’animation innovants.

L’élection municipale sortira alors de la cour de récréation ou du champ de bataille et deviendra une séquence de la “démocratie d’écoconstruction”, l’équipe municipale et ses projets municipaux s’appuyant sur une logique d’élaboration et de codécision.

Actions immédiates

A – Créer un conseil communal de la démocratie

Composé d’habitants engagés, d’élus, d’organisations, s’appuyant sur des expertises techniques, il aura à charge d’impulser, de coordonner et d’évaluer la vie démocratique de la commune3.

B – Réformer la loi sur le référendum local et sur le droit de pétition

Les élus municipaux et les habitants impliqués dans le conseil communal de la démocratie ou la commission thématique concernée pourront soumettre à référendum local un projet communal.

Toute pétition ayant rassemblé un cinquième des électeurs inscrits sur les listes électorales de la commune obtiendra son inscription immédiate à l’ordre du jour de l’assemblée du conseil municipal.

C – Réformer les conseils de quartier

Au lieu d’être consultés occasionnellement par le maire, des conseils participatifs seront systématiquement mis en œuvre pour tout projet structurant.

D – Droit de révoquer les élus non représentatifs

Une loi permettra la révocabilité des élus lorsque ceux-ci accaparent le pouvoir de façon non démocratique.

E – Création de centres de formations et de ressources démocratiques départementaux

Ces centres devront disposer de moyens techniques et humains pour accompagner et former les élus locaux et citoyens à la “démocratie de construction”.

F – Favoriser les initiatives financées par les citoyens

Accueillir avec bienveillance les initiatives citoyennes, y compris celles financées par les citoyens eux-mêmes, se démarquant ainsi de l’ambiguïté et du clientélisme qui, trop souvent, président à la demande de subventions.

Ressources

Références

  1. parmi celles-ci Saillans (1 300 habitants) dans la Drôme ou Kingersheim (13 00 habitants) en Alsace.
  2. http://www.vie-publique.fr/actualite/panorama/texte-vote/loi-constitutionnelle-du-28-mars-2003-relative-organisation-decentralisee-republique.html
  3. Maison de la citoyenneté de Kingersheim – http://www.territoires-hautement-citoyens.fr/maison-de-la-citoyennete-kingersheim/