Pour d’autres indicateurs de richesses

Auteurs

Constat

En dépit de leurs limites de plus en plus reconnues, y compris en 2008-2009 par la commission internationale présidée par Joseph Stiglitz, les deux indicateurs qui restent le plus présents dans les débats politiques, publics, et dans les médias, sont le PIB (produit intérieur brut) et la croissance de ce PIB ou croissance économique. Pourtant, selon une formule du sénateur Robert Kennedy en 1968, “le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut d’être vécue” !

Cet indicateur purement économique et monétaire est indifférent aux destructions de l’environnement, à la santé sociale, aux inégalités et à la pauvreté, à toutes les activités bénévoles et domestiques “gratuites” mais pourtant pourvoyeuses de richesses essentielles. Il peut croître aussi bien du fait d’activités économiques nuisibles que par l’expansion d’activités d’une forte utilité collective. Il ne tient aucun compte de l’état des patrimoines de société, dont les patrimoines naturels. Pour ces raisons et d’autres, la croissance ne peut plus être considérée comme la solution à tous les problèmes, mais comme l’un des plus sérieux problèmes freinant l’émergence de solutions…

Cap à prendre

Depuis deux à trois décennies, des indicateurs alter- natifs sont sur la table, élaborés selon les cas par des institutions officielles, des chercheurs, ou par des ONG et collectifs de citoyens. Ces indicateurs ne sauraient mettre en chiffres “tout ce qui compte”, car bien des domaines d’une bonne vie sont et doivent rester hors de la quantification. Mais au moins faut-il “compter ce qui compte”, qui ne relève pas du toujours plus, mais du mieux : entre autres, l’état des inégalités et de l’exclusion dans plusieurs domaines, de la bonne santé humaine et sociale, de l’environnement. Il faut en priorité des indicateurs liés à des finalités humaines, sociales et écologiques. Mais, s’agissant de telles finalités, qui est légitime pour les définir, puis pour choisir les indicateurs appropriés en veillant à ce que les citoyens puissent se les approprier ? L’exigence d’appropriation citoyenne est actuellement difficile à faire accepter par les “décideurs”, mais la fermeté s’impose si l’on ne veut pas que le couple de l’expertocratie et de l’oligarchie confisque ces choix essentiels.

Actions immédiates

A  –  Définir les nouveaux indicateurs de richesses grâce à un processus participatif citoyen

Une loi a été votée par le Parlement le 13 avril 2015, mais le choix des indicateurs alternatifs ayant été confié à des institutions traditionnelles, les indicateurs retenus souffrent de biais et de limites. Cette loi prévoit notamment que “le Gouvernement remet annuellement au Parlement […] un rapport présentant l’évolution de nouveaux indicateurs de richesse, tels que des indicateurs d’inégalités, de qualité de vie et de développement durable, ainsi qu’une évaluation […] qualitative ou quantitative de l’impact des principales réformes engagées l’année précédente et l’année en cours et de celles envisagées pour l’année suivante, notamment dans le cadre des lois de finances, au regard de ces indicateurs”.

Il faut impérativement compléter cette loi par la mention suivante : “Ce rapport doit faire l’objet d’un débat devant le Parlement. Le choix des indicateurs pertinents pour guider une transition écologique et sociale désirable doit être exemplaire sur le plan de la participation de la société civile (associations et ONG, syndicats, citoyens tirés au sort) et ne peut en aucun cas être confié à des instituts techniques ou à des organismes dépendant du Gouvernement.”

B  –  Utiliser ces nouveaux indicateurs de richesses et non les indicateurs dominants

Il faut exiger l’usage effectif de ces indicateurs en lieu et place des indicateurs économiques dominants, pour évaluer a priori  et a posteriori les projets, programmes et politiques publics et privés. Il ne servirait à rien de disposer d’indicateurs nouveaux pertinents s’ils ne sont pas utilisés comme de nouvelles boussoles pour l’action  collective.

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