Quartiers populaires : pour une démocratie d’initiative citoyenne

Auteurs

Constat

La crise de la démocratie française se pose avec une acuité particulière dans les quartiers populaires où les difficultés sociales et la crise de la représentation s’y font sentir plus qu’ailleurs.

On y observe une montée continue de l’abstention et de la non- inscription sur les listes électorales qui touche 25 à 30 % des personnes en âge de voter. À cela s’ajoute le non-droit de vote des étrangers non européens aux élections locales, alors qu’ils représentent plus de 30 % de la population des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Une démocratie peut-elle fonctionner sans la participation de plus de la moitié de sa population, notamment celle des quartiers populaires ?

La politique de la ville avait fait de la participation des habitants une condition de la transformation des quartiers populaires. Le Rapport Dubedout de 1982 appelait à faire des habitants les acteurs du changement. Mais, trente-cinq ans plus tard, ce projet reste largement inabouti.

Quant aux instances participatives mises en place depuis les années 2000, notamment les conseils de quartier, elles ont très vite montré leurs limites, en particulier parce que ce sont le plus souvent des lieux sans enjeux, sans pouvoir. Mais plutôt que d’en analyser les causes, il a été reproché aux citoyens de ne pas avoir les compétences pour comprendre les enjeux des débats et surtout de ne se préoccuper que de leurs intérêts particuliers. De fait, cette démocratie dite participative a cantonné les habitants dans un rôle de figurants.

Cap à prendre

Les exemples ne manquent pas pour démontrer la capacité des citoyens à mobiliser leurs savoirs d’usage, leur compréhension de la société et de la politique, leur inventivité et leur volonté d’agir contre la précarité et l’insécurité sociale. Mais les dynamiques citoyennes, associatives ou non, qui se sont investies dans les quartiers populaires autour d’enjeux aussi divers que la réussite scolaire, l’accès à l’emploi, la rénovation urbaine ou la discrimination, sont fragilisées depuis des années par les logiques d’appel à projets et de mise en concurrence, par les restrictions budgétaires, et elles sont rarement reconnues. Plus encore, elles sont vues comme inquiétantes, voire suspectée de communautarisme quand, s’appuyant sur leur expertise des enjeux du quartier, elles s’inscrivent dans une logique démocratique d’interpellation qui s’adresse aux pouvoirs publics pour demander, contrôler, proposer. Il faut donc rouvrir un espace démocratique à l’initiative des classes populaires qui en sont trop souvent exclues.

Actions immédiates

A  –  Créer un Fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne

Il faudra renforcer le droit d’interpellation des citoyens par la création d’un Fonds pour une démocratie d’initiative citoyenne. Or, aujourd’hui, seules sont financées la démocratie représentative et la participation des habitants lorsqu’elles sont initiées par les institutions : la démocratie venant directement de l’initiative des citoyens ne l’est pas. Elle devra également pouvoir l’être via un fonds doté d’au moins 5 % du montant total de l’argent public actuellement consacré chaque année au fonctionnement de la démocratie  représentative.

B  –  Soutenir la prise de parole des citoyens à leur initiative

Ce fonds financera toute initiative citoyenne contribuant au débat public sur des enjeux d’intérêt commun, à l’échelle locale ou nationale. Il permettra ainsi l’organisation de débats, de contre-expertises, d’évaluations sur des projets portés par l’État, les collectivités territoriales ou les acteurs économiques. L’objectif de ce fonds ne sera pas de financer des projets de services ou d’actions et d’animations sociales, mais de soutenir la prise de parole des citoyens à leur initiative. Il favorisera le développement de collectifs locaux, comme les “tables de quartier”, et fera émerger des sujets qui figurent insuffisamment à l’agenda des politiques publiques et du débat public, tel, par exemple, le contrôle au faciès.

Ressources

Le site de « Pas sans nous » : https://www.passansnous.org/