Vers des écarts de revenus de 1 à 10

Auteurs

Constat

Au cours des dernières décennies, les écarts de revenus réels (c’est-à-dire l’ensemble des revenus nets après impôt) ont explosé en France. Les bas revenus ont décroché : entre 1990 et 2014, le pouvoir d’achat du RMI/RSA (revenu minimum d’insertion, puis revenu de solidarité active) a perdu 25 % par rapport à celui du SMIC horaire. Les hauts revenus ont bondi. Il y a seulement quarante ans, dans les grandes entreprises, les plus hautes rémunérations ne dépassaient guère vingt ou trente fois les plus basses. On atteint aujourd’hui des écarts de 1 à plusieurs centaines ! Et la fiscalité était beaucoup plus progressive. Elle freinait aussi l’accumulation des gros patrimoines via notamment un véritable impôt sur les successions. Ce n’est plus le cas, et l’impôt sur la fortune est une passoire qui rapporte peu. Cette situation est destructrice pour le vivre-ensemble, provoquant une légitime indignation.

Quant à la pauvreté, elle a beaucoup progressé (+ 1 million de pauvres entre 2004 et 2013) alors qu’elle avait nettement régressé entre 1970 et 2004.

Cap à prendre

Dans une société des Jours heureux, les revenus totaux nets les plus élevés ne devraient pas dépasser dix fois les plus faibles (ce “facteur 10” sera débattu, et il est possible qu’un écart plus important, mais toujours contraignant, soit retenu dans un premier temps).

Y parvenir nécessite une forte revalorisation des très bas revenus – aujourd’hui le RSA (revenu de solidarité active) ou l’ASS (allocation de solidarité spécifique) – et une limitation des très hauts revenus. Les minima sociaux les plus bas (RSA et ASS) seront relevés de 40 % à 50 %. Les très bas salaires doivent eux aussi être revalorisés, en s’attaquant en particulier au temps partiel contraint qui laisse nombre de salariés sous le seuil de pauvreté. Le principe du revenu inconditionnel représente une alternative dont il convient d’étudier et d’expérimenter les avantages et inconvénients sur la base des montants précisés ci-dessus.

Pour les hauts revenus, il faut une fiscalité aussi progressive que pendant les Trente Glorieuses, faire la chasse aux niches fiscales pour privilégiés et à l’évasion fiscale. Mais il faut aussi des rémunérations avant impôt bien moins inégalitaires. Dans les entreprises, les plus hautes rémunérations ne devraient pas excéder 20 fois les plus basses, ce que la loi prévoit déjà dans les administrations : si cet écart avant impôt est couplé avec une fiscalité très progressive, on est proche d’un écart de 1 à 10 après impôt. À nouveau, si un tel objectif ne peut pas être atteint à court terme, au moins faut-il avancer dans cette voie, par exemple en conditionnant la commande et les subventions publiques au respect d’un “facteur X” démocratiquement fixé.

Actions immédiates

A – Le montant de la rémunération minimale (salaire et primes) appliquée dans une entreprise, calculé en équivalent temps plein, ne pourra être inférieur au 1/20, chiffre à débattre, de la rémunération individuelle la plus élevée.

Un renforcement de la loi sur la “vigilance des multinationales” empêchera les grandes entreprises de se défausser de leurs obligations sur leurs sous-traitants.

B – Le nombre de tranches de l’impôt sur le revenu (IR) sera porté de 5 à 9 et le taux marginal à 70 % au lieu de 45 %.

La fusion de l’IR et de la CSG (contribution sociale généralisée) s’effectuera en appliquant la même progressivité à l’ensemble fusionné. Au total, 90 % des ménages, les moins riches, auront un taux moyen d’imposition inférieur ou égal au taux actuel.

C – Le montant des minima sociaux les plus faibles (RSA et ASS) sera augmenté de 40 % à 50 % sur deux ans.

Les autres minima sociaux, dont l’AAH (allocation adulte handicapé) et l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées), seront revalorisés de 25 % sur deux ans.

D – De véritables impôts sur la fortune et sur les successions seront introduits pour en finir avec des inégalités de patrimoine indécentes.

E – Un débat national s’appuyant sur des conventions de citoyens sera organisé sur le revenu inconditionnel et universel, et des expérimentations seront encouragées sur des territoires volontaires.

 

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