Se rassembler grâce à la culture

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Constat

Le projet de démocratisation culturelle mis en œuvre depuis la Libération a permis de réels progrès, malgré ses limites. Il est aujourd’hui compromis par les logiques marchandes : les œuvres deviennent des produits, les usagers des clients, les statistiques se substituent aux objectifs d’émancipation. Alors que certains se disputent le “temps de cerveau disponible”, l’économie et la communication dictent de plus en plus les politiques publiques. Le service public s’en trouve dévoyé, malgré les nombreux espaces de résistance.

Rêvée hier rassembleuse, la culture est aujourd’hui en éclats. Artistes et publics se dispersent en champs, genres, langages ; le “sensible” se divise entre territoires, catégories, générations et origines diverses. À ces mutations s’ajoutent les bouleversements liés aux nouvelles technologies, à la numérisation des données et à la globalisation des échanges, y compris symboliques.

Alors comment concilier le désir d »épanouissement individuel et le besoin de “faire culture commune” ?

Une nouvelle étape des politiques de la culture s’impose.

Cap à prendre

Trois orientations se dégagent en priorité. D’abord, promouvoir l’éducation par l’art,  multiplier les “expériences esthétiques” à tous les âges et niveaux de formation. Dès l’enfance, la découverte du monde et de soi-même à travers la sensibilité, l’émotion, le jeu et la représentation est un élément essentiel de la construction individuelle et collective. Le programme du CNR (Conseil national de la Résistance), en 1944, espérait déjà “la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée…”.  Malgré les avancées constatées, un long chemin reste à parcourir.

Ensuite, renforcer le soutien à la création artistique, dans son indépendance et sa diversité. La création est par essence insoumise et incertaine ; il faut l’encourager pour qu’elle n’obéisse pas aux seules lois du marché. Formation, recherche, création, diffusion, médiation… : ces éléments constituent un service public de la culture à préserver, rénover et développer, au-delà de quelques institutions prestigieuses.

Enfin, favoriser la plus large participation à la vie culturelle demeure l’enjeu démocratique majeur. La “culture” n’est pas qu’une matière consommable à laquelle il suffirait d’“avoir accès”, ni un secteur économique qui se contenterait de vendre des biens : elle est une attitude par rapport au monde, visant à la production de valeurs, d’idées, de langages. Encore faut-il pouvoir la vivre pleinement, de manière intime et partagée.

Actions immédiates

A  –  Pour l’éducation artistique :

  • inscrire enfin dans les programmes, les espaces et les temps scolaires la réalisation de projets artistiques menés conjointement par des enseignants et des artistes ;
  • développer la formation des différents acteurs, dans les écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les écoles d’art, les formations des administrateurs et médiateurs, l’éducation populaire ;
  • mobiliser les crédits nécessaires pour rendre effectif le “parcours artistique et culturel” inscrit dans la loi de refondation de l’école.

B  –  Pour la création artistique :

  • compléter le principe de la liberté de création inscrit dans la loi du 7 juillet 2016 par des garanties de diversité dans la diffusion des œuvres ;
  • élargir le domaine public de la culture et étendre le champ de la commande publique à l’aménagement urbain
  • encourager le partage des outils de création ;
  • consolider le soutien à la formation et à l’emploi permanent et intermittent.

C  –  Pour la participation des citoyens :

  • favoriser les expériences de travail artistique avec les populations, les pratiques des amateurs et leur collaboration avec les professionnels ;
  • ajouter aux critères de qualité artistique ceux de la pertinence sociale et culturelle, évalués de façon collégiale.

 

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