Agir d’urgence pour le désarmement nucléaire

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« S’il n’y a pas eu de catastrophe nucléaire militaire depuis les années 50, ce n’est pas en raison de l’intelligence des responsables politiques mais grâce à la chance… »

Si cette déclaration d’un dirigeant très informé est exacte, il est effrayant de penser que l’on a abandonné à la chance le sort de l’humanité et de sa planète. Et c’est encore le cas aujourd’hui. Soixante et onze ans après les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki, le risque nucléaire n’a pas disparu et la dissuasion est l’un des principaux obstacles à l’instauration d’une paix durable.

Il existe actuellement plus de 16 000 armes nucléaires dans le monde. Des centaines d’entre elles sont déployées dans le cadre de procédures d’alerte qui permettent le déclenchement en quelques minutes de bombardements 10 à 30 fois plus dévastateurs que celui d’Hiroshima. Or on connaît aujourd’hui de nombreux exemples d’erreurs d’évaluation ou de défaillances techniques qui auraient pu conduire à un échange catastrophique de tirs nucléaires. Pendant toute la durée de la Guerre froide, ce risque de tir par erreur a pu être conjuré malgré des situations de grande tension. Mais nous ne vivons plus dans un monde bipolaire globalement stable : l’indétermination stratégique des “lignes rouges” des protagonistes nucléaires ne permet pas aujourd’hui d’exclure des affrontements  directs.

Cette situation est d’autant plus dangereuse que la précision des armes nucléaires s’accroît. Les conditions sont dès lors préparées pour des batailles nucléaires aux conséquences humanitaires et écologiques catastrophiques.

Cap à prendre

Les pays dotés de l’arme nucléaire proclament qu’elle seule est de nature à les protéger contre toute agression. Dès lors, comment s’étonner que d’autres cherchent à se doter de la même garantie, compte tenu de la diffusion croissante des savoir- faire nucléaires civils ? Le régime de non-prolifération est discriminatoire, puisque certains États ont accès à une arme interdite aux autres. Sa légitimité est donc fragile. Il ne pourra être maintenu que si l’obligation de désarmement qui incombe aux puissances nucléaires en vertu de l’article VI du traité de non-prolifération est respectée. Dans le cas contraire, la non-prolifération ne pourra reposer en dernière analyse que sur la force et la contrainte, perspective à long terme illusoire.

Certains experts estiment qu’on ne saurait “faire rentrer le génie nucléaire dans sa bouteille”. Mais l’actuel régime de non-prolifération montre qu’il est techniquement possible d’interdire l’accès à l’arme nucléaire aux pays qui ne la détiennent pas. Le perfectionnement des mécanismes de vérification, l’interdiction de l’enrichissement national de l’uranium ou des règles contraignantes de transparence peuvent considérablement renforcer ce régime dès lors que sa légitimité politique est assurée. Les détenteurs de fait de l’arme nucléaire (Israël, Inde, Pakistan, Corée du Nord, etc.) le sont en raison de circonstances historiques particulières et parce qu’ils bénéficient de la tolérance d’une ou plusieurs grandes puissances. Si ces puissances faisaient le choix du désarmement, elles pourraient mettre un terme à cette tolérance.

C’est ainsi que l’on pourrait passer de la logique de dissuasion à une logique de sécurité collective, l’ensemble des États se coalisant pour maintenir et défendre, dans l’intérêt de l’humanité tout entière, les régimes d’interdiction de l’arme nucléaire et de toutes les armes de destruction massive.

Actions immédiates

Exprimez-vous !Votez - ArgumentezA  –  Plutôt que de se lancer dans des programmes de modernisation extrêmement coûteux, les puissances nucléaires – dont au premier chef la France – doivent négocier des accords de maîtrise de leurs armements évitant des dépenses inutiles et renforçant leur sécurité commune.

Exprimez-vous !Votez - ArgumentezB  –  Parallèlement, la France doit rejoindre la démarche déjà engagée par de nombreux États à l’ONU conduisant à un régime d’interdiction universel des armes nucléaires sous strict contrôle international.

Le statut juridique de ces armes sera alors aligné sur celui des autres armes de destruction massive (chimiques et biologiques). La relance de cette “option zéro” est à présent devenue urgente. Elle peut être atteinte au terme d’un processus progressif de désarmement, concernant dans un premier temps l’interdiction complète des essais, l’interdiction de la production de matières fissiles à fins militaires, et l’extension des zones dénucléarisées, notamment au Moyen-Orient.

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